Obama Saison 2

Retour à mes "fonctions" de prévisionniste. Comme il y a quatre ans, nous voilà à la veille de l'élection présidentielle américaine et me voilà à prédire la victoire de Barack Obama. Pas de marc de café, juste la lecture des derniers sondages.
Il semble en effet que le président en exercice sera réélu de justesse, perdant peut-être le vote populaire (les votes pour Obama et Romney sur l'ensemble du corps électoral sont donnés le plus souvent à 47,5 % environ), mais gagnant le vote électoral, en disposant d'une majorité de grands électeurs (pas besoin de rappeler que l'élection du président américain est au suffrage universel indirect, hein ?). Les moyennes établies sur les derniers sondages, de façon plus précise, donnent les projections suivantes (notamment par le biais du site Realclearpolitics) : pour ce qui concerne le vote populaire, Obama se situerait à 47,8 % et Romney à 47,4 % (il y a d'autres candidats marginaux pour attirer les suffrages restants) ; pour le vote électoral, Obama disposerait à ce stade de 201 grands électeurs de façon très probable contre 191 à Romney (il en faut 270 parmi les 538 grands électeurs désignés pour être élu). Le New York Times est plus optimiste, établissant un rapport de forces 243/206 en faveur d'Obama avec 89 grands électeurs à "distribuer". Les données encore incertaines portent sur les désormais fameux "Swing States", les États susceptibles de basculer d'un côté ou de l'autre et donc de "donner" l'ensemble de leurs grands électeurs à l'un des deux principaux candidats. Ainsi, les 29 grands électeurs de Floride iront à celui qui arrivera en tête, les derniers sondages annonçant même la victoire possible de Romney dans l'un des États considérés comme ayant fait le succès d'Obama en 2008. Symétriquement, l'Ohio et ses 18 grands électeurs devraient rester favorables à Obama. Restent les États les plus indécis, en particulier la Virginie (13 grands électeurs) où la différence dans les dernières intentions de vote était inférieure à 0,2 %.
Si Obama est réélu, ce sera donc de toute façon d'extrême justesse, loin des résultats de 2008 (53 % du vote populaire et près de 68 % du votre électoral). Les déçus déjà anticipés il y a quatre ans (toujours le même excellent post...), au regard de ses multiples promesses et des attentes souvent incroyables suscitées par sa victoire, sont nombreux, pointant des réalisations partielles (en matière économique comme sur les enjeux internationaux, avec comme exemple sans cesse repris, le maintien du camp de Guantanamo) et certaines contradictions. Les analystes et activistes se retrouvent de ce point de vue souvent pour dénoncer un prix Nobel de la paix (Obama l'a reçu en 2009) qui fut aussi un "chef de guerre" généralisant l'usage des drones et des opérations ciblées dans différents théâtres d'opération. Obama n'est pas non plus parvenu à dépasser les clivages traditionnels, certains conflits répétés, en particulier lors des discussions sur la réforme de la santé, le renvoyant parfois brutalement à son identité de "démocrate".
 Pourtant, le New York Times, qui s'est engagé sans surprise en faveur d'Obama, a raison de mettre également en avant des réalisations importantes. D'abord la stabilisation de l'économie et sa relance, encore timide cependant, sur des bases plus saines, grâce à une véritable régulation bancaire, par un maintien d'une partie du tissu industriel et par un renouveau des activités les plus exportatrices. La réforme emblématique de l'Obama Care restera également comme l'un des aspects marquants de cette présidence et comme l'une des illustrations de son leadership, cette réforme ayant été défendue contre le Congrès, mais également contre plusieurs lobbies puissants (et contre une bonne partie de son entourage immédiat...). Enfin, sur le plan international, Obama a souvent joué la carte d'une ouverture (soutien aux printemps arabes), a contribué à "normaliser" l'image des États-Unis, tout en affichant une relation équilibrée plutôt habile avec la Chine.
Surtout, au-delà de ces réalisations et des qualités personnelles d'Obama, c'est l'image contrastée, presque insondable, de Romney, qui concentre ces derniers jours les commentaires sceptiques. Toute la carrière de Romney apparaît en effet comme une suite d'évolutions opportunistes, qui cadrent assez mal avec l'idée que beaucoup se font du président aux Etats-Unis. C'est d'abord un héritier, qui tente de faire mieux que le père (tant sur le plan des affaires que pour la politique, puisque George Romney fut un candidat malheureux à l'investiture républicaine en 1968), rien que de très normal là-dedans. Mais c'est aussi un libéral auto-proclamé en économie, qui a mis en place une réforme de l'assurance-maladie en tant que gouverneur du Massachusetts, parce qu'elle semblait pouvoir "marcher", réforme qui fut l'une des inspirations de la réforme... Obama. C'est un conservateur affirmé, qui a pu avancer à plusieurs reprises des positions ambiguës sur l'avortement ou le mariage homosexuel. C'est un homme lisse, qui s'entoure de "croisés" (Ryan comme vice-président potentiel), tout en multipliant les appels à l'électorat centriste en fin de campagne. Au final, personne ne sait vraiment quel président il ferait, ce qui profite à Obama, qui pourrait être réélu en dépit de la crise continue de l'économie et de réalisations jugées encore une fois décevantes (mais au regard d'anticipations naïves ou hallucinées, que Barack Obama avait d'ailleurs contribué à nourrir en 2008).
En somme, au-delà de la prévision, je suis surtout d'accord avec l'édito du New York Times : "For these and many other reasons, we enthusiastically endorse President Barack Obama for a second term, and express the hope that his victory will be accompanied by a new Congress willing to work for policies that Americans need". Une majorité parlementaire et un nouveau mandat sans perspective de réélection offriraient en effet des conditions idéales à Obama pour entreprendre des politiques plus "risquées".
Réponse dans la nuit de mardi à mercredi, à moins que la Floride (ou un autre État) ne concentre à nouveau incertitudes et controverses sur le dépouillement des bulletins de vote comme en 2000.

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