Post-It 16

Obama a donc été réélu. A cette heure, les résultats définitifs ne sont pas encore connus, l'écart de voix étant trop faible en Floride et nécessitant des contrôles supplémentaires pour savoir qui remportera les 29 grands électeurs de l'Etat. Mais Obama l'a emporté plus facilement que le laissaient entrevoir les derniers sondages avec 303 grands électeurs, obtenant même la majorité du vote populaire (plus de 60 millions de vote contre 57,8 millions à Romney). Pour expliquer cet écart plus large que prévu, la presse met parfois en avant les effets à court terme de la gestion de crise ouverte par la tempête Sandy, qui aurait rappelé à l'électorat le "statut" présidentiel d'Obama quand Romney disparaissait des radars. Ce ne sont là que des conjectures convenues, car l'impact des événements sur le vote, surtout sur un laps de temps aussi court, est presque impossible à établir analytiquement et empiriquement, notamment sur un corps électoral aussi vaste.
Pour le reste, j'ai trouvé le discours de Obama bien meilleur qu'en 2008, en particulier le passage sur ce que signifie à ses yeux l'engagement et l'action politiques. La plupart des commentateurs américains y voient d'ailleurs l'un des signes que Barack Obama est désormais un "meilleur" acteur politique que lors de son élection historique et quasi messianique de 2008.
Les autres résultats électoraux montrent en tout cas une situation politique inchangée : courte majorité démocrate au Sénat (54 vs 45 et un indépendant) et majorité républicaine à la Chambre des Représentants (233 vs 193 avec 9 sièges encore indéterminés). Or, comme chacun sait, la stricte séparation des pouvoirs aux États-Unis oblige à de constants compromis inter-institutionnels. Cela n'a pas toujours constitué un problème, car la puissance des commissions du Congrès et leur relative autonomie ont longtemps nourri une tradition de délibération et de recherche de consensus, autant d'éléments qui avaient souvent pour effet de dégager des majorités législatives plus larges que la majorité politique issue de l'élection. Cette dynamique bipartisane s'est toutefois fortement érodée ces dernières années en raison de la radicalisation du Parti Républicain, tiraillé entre la nécessité stratégique de reprendre le "centre politique" à Obama et les pressions idéologiques exercées par les néoconservateurs, la droite évangélique ou encore le Tea Party. L'éclatement interne du Parti Républicain, également usé par les 8 années de présidence de Bush, a ainsi conduit à une polarisation très forte de la vie politique américaine, sur laquelle est venue buter la volonté réformatrice de Obama. Ce dernier a pourtant été un président respectueux de l'indépendance parlementaire, convoquant souvent les Speakers des deux chambres et les principaux élus à des réunions préparatoires aux grandes réformes et utilisant rarement le véto présidentiel (2 fois en 4 ans pour cette faculté présidentielle de remettre en cause un texte voté par le Congrès).
Il me semble qu'il est trop tôt cependant pour anticiper vraiment la "qualité" à venir du lien entre le président et le Congrès. Tout dépendra de la nature des réformes entreprises, des évolutions internes au Parti Républicain après cette nouvelle défaite et de l'activisme que mettra Obama sur les projets attendus (réduction des déficits, dossiers internationaux, relance de l'économie et de l'emploi, défense des droits des minorités ethniques et sexuelles, etc.). Il n'est donc pas impossible cette fois que Barack Obama puisse (un peu) changer le monde.

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