Mort d'un commis spécialiste

Je rejoins ici plusieurs posts et commentaires qui circulent sur différents blogs, concernant la fin des commissions de spécialistes pour les recrutements d'enseignants-chercheurs. Il faut peut-être rappeler que les commissions de spécialistes étaient (sont encore jusque fin août) des instances élues d'enseignants-chercheurs, qui avaient pour principale fonction de se prononcer sur les différents recrutements : Attaché Temporaire d'Enseignement et de Recherche (ATER), Maître de conférences (MCF), Professeur (pour ce dernier, uniquement pour les demandes de mutation). Ces commissions étaient composées à parité de personnels de rang A (professeurs, directeurs de recherche) et de rang B (MCF, chargés de recherche) et comportaient également quelques "extérieurs", en minorité. Les commissions se réunissaient principalement au printemps, période classiquement consacrée aux recrutements et ne jouaient qu'un rôle périphérique sur la définition des profils. J'ai présidé ces deux dernières années la commission de spécialistes de Sciences Po Grenoble, période au cours de laquelle nous avons recruté un MCF et une dizaine d'ATER. Les recrutements se sont faits de façon plutôt pacifiée, selon des critères d'opportunité institutionnelle et sur la base de conceptions vaguement partagées de la discipline, mais j'y reviendrai plus loin.
En vertu de la loi sur l'autonomie des universités (LRU, que d'acronymes ! On dirait l'Union européenne...), les commissions de spécialistes vont être remplacées par des comités de sélection ad hoc. Principales différences : l'absence de continuité, puisque les comités n'existeront que pour un recrutement ou une session de recrutements ; la part relative des membres externes à l'institution concernée devrait être plus importante. Par contre, l'avis des comités de sélection ne sera qu'une proposition de recrutement, comme l'était déjà celui des commissions de spécialistes, ce que l'on a parfois tendance à oublier. On peut supposer que l'inertie aidant, la plupart des décisions seront confirmées par le président de l'université, comme elles l'étaient ordinairement par le conseil d'administration. Mais ce n'est qu'une supposition...
Les différentes positions exprimées actuellement sont moins des défenses du système existant (quoique...), qui a souvent nourri le localisme et a parfois produit des recrutements surprenants (notamment cette année en science politique), que des attentes ou des prophéties inquiètes devant les conséquences de ces nouvelles instances et dynamiques de recrutement. En bonne analyse de politiques publiques, je soupçonne cependant les changements à venir de n'avoir qu'un caractère incrémental, le poids des routines universitaires permettant de réduire l'incertitude ouverte par la réforme. En particulier, je ne pense pas que les critères de recrutement soient appelés à changer. Dans une discipline aussi éclatée scientifiquement et institutionnellement que l'est la science politique, l'enjeu serait sans doute de rendre ces critères plus professionnels et plus lisibles, sans pour autant tomber dans la "taille unique". Mais aucune instance collective, sauf peut-être l'Association française de science politique (AFSP, encore un pour la route...), ne saurait jouer un tel rôle. Alors, il est vrai que les critères de recrutement sont définis a minima, en fonction de la conception plus ou moins partagée que l'on peut avoir de son propre milieu professionnel : nombre de publications, participations à des colloques, rattachement à plusieurs institutions ou réseaux de recherche, etc... C'est un mélange bizarre de critères qualitatifs (le contenu des publications que la plupart des membres de la commission de spécialistes n'a pas lu) et d'indicateurs vaguement quantitatifs. Pas encore de "scoring" à l'anglo-saxonne, où le nombre de publications est pondéré par le classement de la revue en question, tout simplement parce qu'il n'y a pas de classement véritablement accepté. On peut juste espérer que la part plus importante des experts extérieurs puisse à l'avenir (un peu) compenser le localisme, même si d'autres dérives sont possibles : une commission de spécialiste a recruté cette année sur un poste de MCF un(e) candidat(e) venant de l'institution, où les "extérieurs" étaient en poste. Pfff.... Incorrigibles...
Moi, en tout cas, je recrute Damon Albarn.

Blur- To the End

[via FoxyTunes / Blur]



Gorillaz - New Genious(Brother)

[via FoxyTunes / Gorillaz]



The Good the Bad and the Queen - Herculean

[via FoxyTunes / The Good, the Bad & the Queen]

Commentaires

Anonyme a dit…
Surprenante conclusion! Qu'on ne peut qu'approuver musicalement, même si Damon a connu par le passé quelques errances politiques de jeunesse...
Fr. a dit…
Lu chez Daniel Little :

“Are there credible methods of investigation that would permit organizational researchers to evaluate the causal importance of some of these features of leadership? Or is "leadership" just one of those topics that has to be left to the "management theory" books that one finds in airport bookshops?”

-- Leaders within complex organisations
Anonyme a dit…
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