Post-It 12

Retour de la petite série...
Christophe Bouillaud réfléchissait récemment sur son blog aux conditions d'intervention des politistes dans les médias. C'est un sujet compliqué qui demande de prendre en compte tout aussi bien les modes actuels de fonctionnement des champs médiatiques et académiques que les réflexions personnelles des uns et des autres sur les logiques d'engagement et d'intervention à partir (ou non...) de travaux de recherche. C'est aussi l'objet d'inépuisables controverses au sein même de la discipline, une raison parmi d'autres qui a conduit à la mise en place d'une charte d'éthique de l'Association Française de Science Politique, qui ne traite (heureusement) que marginalement de cette question, sans donner d'injonction collective (voir la charte et le forum qui lui est associé ici).
En lien avec ses réflexions générales, on peut remarquer que Libération propose à nouveau, dans son édition du 2 décembre 2010, une formule déjà testée plusieurs fois dans mon souvenir, qui consiste à laisser la rédaction des papiers, y compris informatifs, à des philosophes (même si le relevé des noms montre une acception assez large du registre philosophique...). On pourrait croire qu'il s'agit d'une excellente opportunité d'une prise de parole par des intellectuels institutionnellement reconnus (enseignants-chercheurs titulaires pour la plupart), qui plus est sur un support écrit, à partir de leurs propres travaux.
Or, à la lecture, c'est loin d'être le cas. Les articles se rapprochent pour l'essentiel du format comme du fond d'un papier habituel du journal, parfois avec talent et une (possible) distance supplémentaire, parfois en dérivant vers un registre normatif plus ou moins informé. On trouve même des perles, comme cette première question de l'interview de Christine Lagarde, pages 14-15 ("un peu plus philosophique que d'habitude" dit le chapeau, et là je réponds que c'est pas sûr...) : "Vous nous dites que la crise est terminée car la France recrée des emplois depuis début 2010. Pourtant l'Europe est à feu et à sang. D'où vient votre optimisme ?" Donc, je relis calmement, "l'Europe est à feu et à sang", et là, je dis que j'ai dû louper un truc ou c'est un effet d'une licence poético-philosophique... J'imagine la tête de Lagarde... Purée, c'est pas gagné...
Et une autre remarque rapide sur les incertitudes entourant l'élection présidentielle en Côte -d'Ivoire. Ces événements me rappellent une réflexion du politiste américain Robert Dahl, qui posait, comme l'une des caractéristiques les plus profondes de la démocratie, la possibilité et le respect des alternances. C'est pas gagné non plus...

Commentaires

bouillaud a dit…
Moi aussi, j'ai vu cette expression, "l'Europe à feu et à sang", j'ai trouvé que, décidément, les journalistes y allaient fort ces temps-ci... Comme c'était une lecture trop rapide sur Internet, je ne m'étais pas rendu compte de qui faisait l'entretien. Je comprends mieux du coup. Cela a dû faire plaisir à Jean Quatremer qui n'est pas loin de voir dans les alarmes actuelles la trace d'un complot de la grande finance contre l'Euro, via le Financial Times... Comme quoi l'information est une chose trop sérieuse pour être laissée aux académiques!
PL Mayaux a dit…
Constat (légèrement décalé) d'un latino-américaniste: si je ne suis pas en âge de me rappeler d'une intégration européenne qui ne soit pas officiellement "en panne" ou "confrontée à une crise menaçant la survie même du projet des Pères fondateurs", je suis toujours frappé de la puissance normative intacte de l'UE en Amérique Latine, telle qu'elle s'exprime notamment dans la presse. Si nul observateur ne conteste les "défis" actuels à relever (dont l'urgente coordination fiscale et sociale), l'UE reste bien LE modèle de référence pour le Mercosur, la Can ou l'Unasur. Surtout, la dimension historique de l'Union Europenne (i.e. son caractère radicalement inédit) apparaissent toujours nettement aux observateurs, par contraste avec les perceptions desabusées des "insiders". Ce dont témoigne à sa façon, au Nord, Paul Krugman, quand il rappelait récemment que l'Europe "is one of the great, inspiring stories of the modern world, maybe of all time".

Il ne s'agit pas d'en tirer un quelconque satisfecit (c'est bien la Hongrie qui préside...), mais de constater que, de l'autre côté de l'Atlantique, la perception de ce que signifie l'aventure européenne sur le temps long est sans doute plus facile.

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